Voici un ouvrage qui vise à introduire dans l'étude scolaire des textes la pratique de l'ancienne critique, celle qui, d'Aristote à Cicéron et Quintilien, puis du XVIe au XVIIIe siècle, a assuré sur notre culture l'hégémonie de la rhétorique mais aussi de la poétique. L'art de la persuasion et l'art de la fiction ne sont pas deux branches indépendantes de la description des textes. Ils ont été associés, tout au long de leur histoire, dans une réflexion philosophique conjointe, qui articule la technique et le sens.
Car l'ancienne critique n'est pas le répertoire des règles qui soumettraient le texte : elle est un exercice de la raison critique qui a à prendre des décisions, non sur le sens du texte, mais sur son insertion épistémologique, morale et politique dans notre monde. Elle n'est pas non plus nécessairement normative : elle peut s'arrêter à l'étape antérieure, celle d'un questionnement théorique qui remonte du texte à la pluralité de ses options. Loin de refermer le texte sur un principe, elle devient alors l'instrument qui permet de l'ouvrir à tous ses possibles.
Cette ancienne critique n'est donc pas à réserver à des œuvres anciennes : elle est exigée de tout étudiant en lettres pour nourrir une critique moderne, qui soit à même de problématiser le fonctionnement technique du détail textuel et de s'interroger sur le statut global du texte qui en découle. Dans notre culture du commentaire, la philosophie rhétorique et poétique du texte vaut bien sûr par les modèles de description qu'elle propose. Mais elle constitue plus fondamentalement une des rares réponses systématiques que nous puissions opposer aujourd'hui à l'éternelle question laissée en suspens sur ce que lire veut dire.
Christine Noille-Clauzade, ancienne élève de l'E.N.S. (rue d'Ulm), agrégée de l'Université, est maître de conférences à l'Université de Nantes. Spécialiste de rhétorique et de poétique classiques, elle a publié une édition préfacée et commentée de B. Lamy, La Rhétorique ou L'Art de parler (H. Champion, 1998).