Parmi les poèmes épiques que nous a légués le Moyen Âge occidental, la chanson de geste de Raoul de Cambrai, composée vers la fin du XIIe ou le début du XIIIe siècle, se distingue par sa sombre grandeur. Elle présente un univers que caractérisent la démesure et le tragique, où aucun ordre ne vient limiter la violence des conflits féodaux, où l'homme est déchiré entre des fidélités contradictoires, et où sa révolte finit par conduire un héros épris d'absolu jusqu'à la barbarie et au sacrilège. Les études réunies ici tentent d'éclairer quelques-uns des aspects les plus remarquables de cette œuvre exceptionnelle. Ce peut être la signification de la violence et de l'impiété, mais aussi le regard des contemporains sur un texte hétérogène, foisonnant et pourtant dominé par un clair problème politique. Ce sont des thèmes comme la quête d'identité et le rapport douloureux à l'image du père, ou bien les relations interpersonnelles qui, de l'amitié à la vendetta, déterminent le comportement des individus et la destinée des groupes. Il peut s'agir encore de cette particulière appréhension du malheur que savent exprimer, mieux que les autres, les personnages féminins, ou de l'image d'un espace dont la clôture apparaît comme une figure de la fatalité. Ce sont enfin quelques-uns des traits spécifiques d'une écriture épique qui parvient à donner à un aussi terrible tableau toute la séduction d'une œuvre d'art.