Le court récit de René paru en 1802 dans le Génie du christianisme a immédiatement marqué toute une génération. Il restera longtemps la référence obligée de la jeunesse romantique. L'auteur lui-même sera dépassé par son personnage auquel tant de lecteurs aimeront s'identifier. C'est que de la convulsion révolutionnaire Chateaubriand faisait jaillir toute la mélancolie moderne. Et cette nouveauté d'âme s'exprimait en des accents inoubliables. Dès lors la fortune de René était assurée.
Le propre de notre étude est de suivre cette fortune telle que de génération en génération de grandes voix l'ont maintenue et transformée. On se demande même qui, soit par affinité soit par rejet, n'a pas succombé su charme. Certes l'usage scolaire en a bien émoussé la force ou réduit le trouble. On verra comment, aux belles heures du dernier tiers du XXe siècle, de Butor à Yourcenar, la sauvagerie de René revient nous agresser. D'autant plus que désormais nous pouvons retrouver les aventures de René dans la fabuleuse saga indienne où il est apparu à son auteur. Ce qui promet une nouvelle postérité.
Jean Balcou est professeur émérite de littérature française à l'Université de Bretagne occidentale. Sa thèse Fréron contre les philosophes (Droz, 1975) le spécialisait dans l'étude du XVIIIe siècle et particulièrement de Voltaire. Mais il s'est également occupé des auteurs qui ont marqué la Bretagne. Il fut le maître d'oeuvre de l'Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne (3 volumes, Champion, 1987). Aujourd'hui il travaille essentiellement sur Renan dont il dirige la correspondance générale. On signalera en l'occurrence sa publication des Actes du colloque qu'il a organisé à Brest en 1998 Enfances et voyages de Chateaubriand Armorique Amérique.