En faisant librement son profit des traités de Descartes sur L’Homme et les Passions de l’âme, Malebranche est l’inventeur d’une conception nouvelle de l’imagination : sans elle point de passions, dans lesquelles en effet elle donne toute sa mesure, y compris en ce sens qu’elle permet aux passions de se communiquer. Si l’imagination est bel et bien « cette folle qui se plaît à faire la folle », c’est en vertu d’un jeu de la machine elle-même que la nature impose. Imaginer suscite toutes sortes d’habitudes : de là l’usage des langues, mais de là également cette facilité que donnent à la pensée les idées familières. Le brouillage des unions ayant serré les liens de l’âme avec le corps, libre cours est donné à l’imagination : de là tous ses désastres, depuis la transmission de la concupiscence jusqu’à celle des erreurs et des bizarreries. Mais si elle est « cette folle qui se plaît à faire la folle », notre imagination n’en demeure pas le lieu et l’instrument d’une porosité qui fait le lien social.