La lecture d’un philosophe est souvent stimulée et perturbée par ses formules les plus frappantes. C’est au plus haut point le cas pour Hobbes. Son oeuvre est fascinante, peut-être inquiétante, mais sûrement aussi difficile à saisir que les figures, Léviathan et Béhémoth, qu’elles empruntent. Très tôt, elle a été doublement réduite : Hobbes aurait fondé un lieu commun (les hommes ont besoin d’un pouvoir qui les tienne en respect) sur une base scandaleuse (tout est corps, l’homme est un loup pour l’homme, Dieu n’existe pas) ; et sa pensée politique serait d’abord une pensée des droits et devoirs du citoyen, négligeant ce que le Leviathan a de nouveau par rapport au Citoyen. Depuis un demi-siècle, le commentaire, en affinant la lecture, a brisé la caricature. Mais il tend parfois à perdre la radicalité dont le lecteur de Hobbes fait immédiatement l’expérience. Cet ouvrage s’efforce de restituer précisément cette pensée et de lui redonner toute sa portée, non pour désamorcer, mais pour comprendre cette force singulière qui fait qu’elle continue, malgré les critiques et les anathèmes, d’inspirer ou d’inquiéter la pensée contemporaine.