Qu’il y ait un « vocabulaire de Bergson », c’est-à-dire un sens nouveau donné par lui à certains mots, au premier rang desquels celui de « durée », voire un sens nouveau pris par tous les mots des livres où s’exprime sa pensée, que cette « invention » soit même le signe de son « intuition » philosophique, c’est une chose. Que ce vocabulaire puisse être fixé dans les définitions d’un Vocabulaire, c’en est une autre, et qui ne va pas de soi, justement parce que le sens d’un mot n’est pas nouveau tout seul mais dans des livres, des paragraphes, des phrases, bref, une pensée, donc aussi pour résoudre des problèmes, désigner des objets, tracer des distinctions de manière à chaque fois différente.
Ainsi, après avoir rassemblé en un « sens fondamental » les formules où s’exprime explicitement le contenu « bergsonien » de certaines notions bien précises, après en avoir mesuré la portée critique et technique par différence avec d’autres doctrines, on ne comprendra pourtant le « sens » de ces notions qu’à travers leur usage intensif, qui reste l’élément même de la pensée de Bergson et peut-être de toute pensée.