Comprendre le sens et l’évolution de la poésie en France, depuis la fin de la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours, n’est pas aussi difficile qu’on le croit d’ordinaire, en évoquant la rupture avec les anciennes conventions prosodiques et rythmiques et la disparition des « genres ». À travers la richesse des expressions poétiques, la multiplicité des écoles et surtout des individualités, n’en apparaissent pas moins quelques interrogations essentielles. Donner la première place à l’inconscient, ou faire de la poésie une fête de l’intellect ? Écrire une poésie politique, ou une poésie plus dégagée des problèmes immédiats ? Quelle place accorder au corps, à la vision du quotidien ?
La réponse à ces interrogations diffère suivant l’évolution de l’histoire, car les poètes sont pleinement de leur temps. Mais elle est très étroitement liée aussi au problème du langage, inséparable de la poésie. Que peuvent les mots ? Cette question traverse les soixante-dix années de création retracées ici, et elle se pose parfois avec tant d’acuité qu’elle prend la première place, mettant en cause l’exercice même de la poésie.
Des surréalistes aux contemporains, en passant par Michaux, Saint-John Perse, Char, Frénaud et tant d’autres : c’est une époque de tourments et de somptuosités poétiques, qui nous intéressent particulièrement parce qu’ils conduisent chacun à examiner le sens de sa propre vie.