Cherchant sans cesse, à l’exemple des philosophes les plus classiques, la vérité par l’argumentation, Jacques Derrida n’a cependant jamais pu être enrôlé par quelque camp que ce soit, et a sans doute, à ce titre, suscité bien des incompréhensions, des déceptions, parfois des dépits (qu’ils soient amoureux ou non). Cette situation singulière est due en partie à l’essence musicale de son écriture et de sa philosophie. La « philosophie de l’écriture », que le présent ouvrage présente dans toute sa logique, son originalité et sa portée, a toujours différé autant que possible ce moment de la saisie intuitive où la pensée se cristallise en positions.
Bientôt quinze ans après sa mort, les jalousies et les malentendus allant s’apaisant, Derrida occupe peu à peu en France la place qu’il n’a jamais cessé d’occuper partout dans le monde : celle d’un philosophe original et brillant, qui a introduit dans l’histoire de la pensée un nouveau point de vue (l’écriture) qui permet de la redessiner et de la faire avancer. Il n’est désormais presque aucun domaine de la philosophie contemporaine (qu’il s’agisse du langage, du rapport à la littérature, de l’éthique, des théories du droit, de la responsabilité, de la démocratie, mais également de l’esthétique, de la psychanalyse, de l’anthropologie et des sciences humaines en général) qui ne se réclame de sa philosophie, ou ne lui soit redevable en quelque manière.