Penser le monde par concepts, tel est le plan général de la métaphysique. « Le monde », parce qu’il forme un obstacle, un « scandale » pour parler grec, auquel nul homme de réflexion ne peut se soustraire, surtout s’il affectionne le détour et cherche à contourner l’obstacle au lieu de le dissoudre. « Penser », parce que l’homme ne sait rien faire d’autre que creuser des galeries, construire des labyrinthes et arpenter les chemins que dessine son intelligence, ce que l’on nomme la pensée. « Par concepts », parce que la logique abstraite, que le métaphysicien invente pour penser le monde, prend le risque de poser les problèmes restés sans réponse. Ses concepts détournent donc l’homme du monde mais ils lui permettent de le penser ; sa langue l’éloigne aussi de la réalité mais pour lui en faire saisir le sens. La métaphysique est le temps qu’il faut à l’homme pour s’interroger et interroger l’être de ce qui est.