Que ce soit dans les maximes et les pas de danse tranquilles d’un ours bien léché ou entre les lignes des rayons « développement personnel » qui ont envahi nos librairies, la philosophie épicurienne a tellement imprégné la culture occidentale au cours des siècles qu’elle façonne encore aujourd’hui notre conception populaire du bonheur et du mode de vie qui doit nous permettre de l’atteindre. Épicure fait partie de ces penseurs, rares, dont l’influence se mesure précisément à l’invisibilité de son omniprésence.
Chercher le bonheur dans les choses simples, vivre chaque jour comme si c’était le dernier : sous la banalité confondante de ces mantras se cache une philosophie dont l’originalité fit pourtant scandale et dont la richesse comme la complexité sont irréductibles à ces seuls adages.
C’est parce que tout n’est qu’atomes et vide que nos désirs sont satisfaisables et nos angoisses vaines d’après Épicure, et parce qu’une vie de plaisir est accessible qu’il vaut la peine de définir tant l’attitude individuelle que la communauté politique qui lui correspondent le plus. Ce pourquoi on ne saurait appliquer les recettes épicuriennes du bonheur sans comprendre d’abord le système physique, scientifique, éthique et même politique sur lequel elles sont fondées – à moins que le bonheur ne soit contemporain de cette étude même.