Se méfiant de tout dogmatisme, Montaigne ne livre, à proprement parler, aucune doctrine. C’est néanmoins un auteur qui fait penser : sa démarche consiste à ouvrir la réflexion et à repenser les lieux communs, ceux de son temps qui sont souvent encore les nôtres, pour leur donner une intelligence qui a pu être perdue par l’usage.
Montaigne élabore son propos prudemment, confrontant avec simplicité et perspicacité les expériences, les points de vue, les opinions ; sa manière de ne pas trancher, de ne pas s’opiniâtrer, son scepticisme mesuré ne conduisent pas à un égarement qui laisserait le lecteur désemparé, mais à un changement de repères ; la lecture des Essais apprend à ne craindre ni les contradictions ni les apories, et surtout à exercer sa capacité à juger, quel qu’en soit le sujet.
La pensée montagnienne invite ainsi à se frayer une voie dans les « plis et replis » de la réalité. Faisant fi des théories abstraites, elle s’éprouve surtout sur les sentiers du quotidien ; c’est une pensée qui, en dépit de sa singularité extraordinaire, a le mérite d’être à hauteur d’homme.