Depuis les lointaines origines de l'homme s'est écoulé un temps infiniment plus long que les dix derniers millénaires qui virent la naissance et le développement de l'agriculture mais aussi de l'élevage.
Jusqu'à cette date, somme toute récente, l'homme de la préhistoire se définissait d'abord comme un chasseur-cueilleur. Mais il serait faux d'imaginer que la rupture entre ces deux modes d'exploitation de la nature ait été brutale et radicale. Bien au contraire, aux côtés des activités agricoles, plus intensives et techniques que jamais, a subsisté au fil du temps une activité de chasse et de cueillette. Dans les pays industrialisés, cette dernière, la plupart du temps ludique, peut encore être rémunératrice, ou tout le moins, complément de revenus pour certains.
Qui ne connaît la succulente myrtille sauvage ou le génépi des Alpes ? Tout se cultive, même ces petits fruits rouges ou ces aromatiques armoises, mais certaines plantes ou champignons moins bien que d'autres. La truffe, par exemple, a livré quelques-uns de ses secrets, mais la morille reste rétive malgré des efforts anciens. Quoi qu'il en soit, la cueillette a un parfum sauvage, un goût de paradis perdu, quelque chose qui s'apparente à l'illusion tenace que chacun porte au plus intime de lui-même, celui d'un pays où, comme dit le psaume, coule le lait et le miel, un pays où l'agneau vit en paix avec le loup.
La "plante compagne", comme la nomme si justement un grand ethnobotaniste Pierre Lieutaghi, marque à jamais notre imaginaire et reste, dans notre monde menacé par l'appauvrissement irrémédiable de la biodiversité, la source de nos plus simples et nos plus durables bonheurs.