Gabriel Garcia Marquez, écrivain colombien, prix Nobel de Littérature, est mort d’un lymphome hodgkinien en 2014. Cent ans de solitude (1967), Chroniques d’une mort annoncée (1981), ses livres ne parlaient pas de cancer. Ni même de choléra. Mais ils parlaient souvent d’amour ! Tiens, pourquoi L'Amour aux temps du choléra (1985) ? Cette question en rappelle une autre, celle du grand poète allemand Hölderlin, qui figure dans une strophe de l’élégie Pain et Vin, composée vers la fin de l’année 1800 : « Wozu Dichter in dürftiger Zeit?» (« Pourquoi des poètes en temps de détresse? »).
En quoi nous concerne- t-elle cette question, nous les psychistes qui intervenons au quotidien auprès de malades somatiques ? Plus largement, porte-t-elle dans son énoncé même une vérité précieuse sur notre travail au quotidien ? Remettre de la beauté aux temps de la laideur et du bonheur aux temps du chagrin ? Répondre, c’est évidemment clarifier en même temps le point de savoir qui nous sommes en ces lieux qui n’ont souvent d’hospitaliers que le nom. Et si notre tâche, à l’occasion de cette expérience extrême au sens où elle met un temps en danger de mort, était l’occasion de ré-arrimer sur Eros nos patients ?
Psychologues, psychiatres, psychanalystes en oncologie prêtent-ils alors leur présence, leur corps comme espace transitionnel, espace de traduction provisoire des angoisses souvent innommables chez leurs patients ? Ne deviennent-ils pas cet objet transformationnel au sens de Christopher Bollas, qui permet d’ouvrir une aire de jeu pour que leurs patients puissent vivre pleinement le temps qui reste ?
Alors, pourquoi des psychistes en terres oncologiques ? L’amour aux temps du cancer resterait-il à écrire ?