Sous le titre Les Pouvoirs de la parole, c’est autant à leur mise en cause à travers l’interprétation qu’à la mise en cause de l’interprétation elle-même que procèdent ici des analystes appartenant aux cinq écoles du champ freudien, réunies dans l’Association mondiale de psychanalyse. Double mouvement, incontournable, après Freud et avec Jacques Lacan.
Après Freud : celui qui découvrit les pouvoirs de la parole sans s’en effarer, et inventa décidément la talking cure, fut la premier à se confronter aux limites de l’interprétation dès les années 1920.
Avec Jacques Lacan : il rappelle, trente ans plus tard, aux psychanalystes que la rationalité de la psychanalyse ne consiste pas à rationaliser les idéaux de la maîtrise, et que leur discipline se voit dévoyée par leur démission devant un réel dont elle a à traiter.
La critique de Lacan est rude, et l’avenir de la psychanalyse passait par la restitution de la fonction de la parole dans l’expérience analytique. Elle remet l’analyste à sa place, qui s’inscrit dans un temps logique propre à faire advenir une vérité. L’interprétation est d’abord un acte.
Une fois rétabli l’exercice libérateur de la parole, Lacan interroge ce qui y reste en reste. L’irréductibilité de la pulsion au signifiant, loin de l’invalider, assigne à l’interprétation sa visée : mi-dire, l’interprétation n’est pas toute, et « porte sur la cause du désir ». Si l’interprétation révèle le non sens, sur lequel butent les pouvoirs de la parole, l’heure de son déclin n’est-elle pas celle de son heur même ?