Qu’est-ce qu’un obsessionnel ? Quelqu’un comme vous et moi, peut-être ? Oui, mais qui doute. Non parce qu’il ne serait pas sûr de lui. Mais parce que ce doute lui est nécessaire pour désirer. Pour vivre. Ou, plutôt, pour ne pas mourir tout à fait.
Alors il « procrastine », s’interdit de réaliser la plupart de ses désirs, ou s’en fait au contraire un devoir – ce qui revient presque au même. Alors il vit le sexe comme un embarras, l’amour comme son évitement, la répétition comme un refuge, la mort comme un recours, et la pensée (parce qu’il ne peut s’empêcher de croire en sa toute-puissance magique) comme une menace. Dont il lui faut donc se protéger. En se faisant débile, par exemple. En se sentant coupable de tout, quand bien même n’accepte-t-il d’être responsable de rien. En ruminant, en priant, en étant en dette pour la vie – et seul pour toujours.
Et en n’achevant jamais rien. Pas même son propos. Parce que c’est toute la vérité qu’il veut dire, et tout d’un coup, et que c’est ainsi qu’il rencontre le mieux l’impossible qui soutient son existence.
Nous donnant ainsi une magistrale leçon sur le fonctionnement psychique ordinaire, et sur le monde en général.
Ce qui, certes, nous écarte beaucoup des propos habituels des traités de psychopathologie, des opuscules de pleine conscience et des guides de recettes de vie.
Mais nous fraye une voie d’accès royale à la psychologie – la vraie !
Alain Abelhauser est psychanalyste et professeur en psychopathologie clinique à l’université Rennes-2. Il a publié Le sexe et le signifiant (Seuil, 2002), Mal de femme. La perversion au féminin (Seuil, 2013) et, avec R. Gori et M.-J. Sauret, La folie Évaluation (Mille et une nuits, 2011).