Un écrivain s’interroge sur un vol mystérieux : la croix d’une église épiscopale de l’East Village a disparu. Elle est retrouvée plus tard sur le toit d’une synagogue de l’Upper West Side. Son enquête le conduit jusqu’au révérend Thomas Pemberton, puis à un couple de jeunes rabbins libéraux, Joshua et Sarah. À ces personnages se mêlent, au gré de la rêverie de l’écrivain, de grandes figures comme Einstein, Wittgenstein ou Frank Sinatra (rappelons-nous Ragtime, où Henry Ford, Freud et Emma Goldman se côtoyaient). Le carnet sur lequel l’écrivain note ses pensées devient peu à peu le réceptacle des désastres de notre temps.
Mais nous sommes à New York, la ville par excellence, et Doctorow ne cesse de la mettre en scène, comme avant lui John dos Passos : cacophonie urbaine, symphonie de voix, celles de New-Yorkais anonymes qui s’interrogent, s’appellent, se lamentent, condamnent voix qui éclatent en vers libres, racontent Brooklyn et le Bronx, portés par la mélodie récurrente du « Midrash Jazz Quartet », improvisant sur les standards du jazz américain, sans oublier Gershwin.
Dieu est-il encore concevable à la fin du XXe siècle ? Oui, mais le Dieu astrophysique de l’univers en expansion, débarrassé de la mythologie à laquelle croient Pemberton et Sarah. C’est du moins ce que semble répondre E. L. Doctorow, dans ce roman étincelant d’intelligence.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso.