En 1995 paraît un petit livre, Fragments, Une enfance (1939-1948). Ce livre raconte la bouleversante histoire de Binjamin Wilkomirski, séparé à l'âge de trois ans de ses parents au cours du massacre des Juifs à Riga, et les horreurs qu'il a endurées dans les camps de concentration nazis.
Chaleureusement accueilli, ce récit autobiographique obtient en France le prix Mémoire de la Shoah et des récompenses similaires en Angleterre et aux États-Unis.
Et puis, petit à petit, le doute s'insinue. Et si l'auteur avait menti ? En 1998, l'hebdomadaire suisse Welftwoche publie une longue enquête sur « Wilkomirski » et conclut à l'imposture. « Wilkomirski » serait en fait Bruno Dössekker, un psychotique, abandonné par sa mère, qui se serait forgé une identité imaginaire.
Elena Lappin a longuement rencontré « Wilkomirski » et procédé à sa propre enquête. La jeune romancière y livre ses conclusions, lesquelles, on le verra, n'ont rien d'un réquisitoire. Non, « Wilkomirski » n'est pas un imposteur. C'est un malade de l'Histoire, un être brisé, et nul d'entre nous ne peut rester insensible à son incroyable histoire. « Wilkomirski » a trouvé en Elena Lappin une confidente lucide. Par sa force, sa beauté, son ambiguïté, L'Homme qui avait deux têtes s'impose comme un texte majeur.
Traduit de l'anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat.