« J'imaginais que toutes les familles du monde étaient basées sur le modèle de ma famille maternelle. Une matriarchie étendue, tentaculaire, dans laquelle chacun était tenu de venir présenter ses respects une fois par semaine à ma grand-mère, en une parodie inconsciente des dîners de cour auxquels nos aïeux avaient été habitués. Car, nous ne nous gênions pas pour le rappeler à tort et à travers, nous descendions de la haute noblesse française. Rohan, disait le Larousse, était le nom d'une des plus illustres familles de France. » Mais le Larousse ne permet pas à Christian de comprendre pourquoi sa grand-mère a une telle aversion pour les singes. Il devra attendre des années et le passage à Paris d'un parent plus bavard, un « dangereux trublion marxiste » vivant en Australie, pour être éclairé sur la question, et par la même occasion sur son teint hâlé et son nez légèrement épaté. Le garçon qui passe ses journées retranché derrière ses livres s'ouvre alors au monde et à ses merveilles inconnues : la beauté du corps nu d'Anne-Marie, la lutte finale, la grand-mère corse capable d'avaler tout cru les crabes qui courent sur le sable… Mais le plus important, ce sont les séjours fréquents en Angleterre, où l'accueillent sa cousine, Susan et Mark, son mari. Christian découvre les piers de Brighton, les filles, la S.F., la pornographie, l'écriture. Et la tragédie qui se prépare.
Ce sont trois années de sa vie que décrit Christian Lehmann, dans ce roman d'apprentissage d'un écrivain métissé. Car c'est à une identité divisée qu'il doit se confronter en accomplissant ce retour sur soi.