Les enfants de l'oncle Sam ont mauvaise mine. Ils habitent dans le New Jersey des maisons blanches toutes pareilles.
Le week-end, ils font des barbecue-parties autour de la piscine ou tondent la pelouse. Jernigan, lui, regarde pour la 125eme fois le même épisode de Star Trek en buvant une bière, allongé sur un sofa, dans le living de sa voisine. Il attend Dieu sait Quoi. Le quatre juillet, peut-être ?
Ce jour-là – Independance Day, la fête nationale américaine –, sa femme Judith s'est tuée et le Dow Jones a atteint son niveau le plus bas depuis la crise de 29. Ce jour-là, sa vie s'est cassée. Depuis, il essaie de recoller les morceaux. Et c'est dur, très dur ! Comme Holden Caulfield, le héros de L'Attrape-Cœur, il monologue, faux cynique cachant sa sensibilité sous une désinvolture apparente. Comme lui, il rêve de se faire ermite au milieu des solitudes du New Hampshire.
Oui, mais voilà : Jernigan a la quarantaine, son fils joue des trucs bizarres sur sa guitare électrique (« Hard Rock ? – Arrête, papa, tu n'y comprends rien ») et sa petite amie fait un mauvais trip. Pendant ce temps, l'Amérique glisse doucement vers la fin des années Reagan. C'est le krach de Wall Street et le crack dans la rue, la paupérisation des classes moyennes et la tiersmondisation des pauvres. Où sont passées les couleurs de la vie ?
David Gates jette sur tout cela un regard aigu et sensible. Romancier, il est attentif à ce qui se passe entre les hommes et les femmes – attraction-répulsion, love streams, désirs, illusions –, les fils et les pères – amour fou, silences, responsabilités – les mères et les filles – fusion, rivalité, meurtre. Son livre est d'une nudité bouleversante.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par François Lasquin.