Incarcéré à dix-huit ans dans une geôle de Californie, relâché, de nouveau interné, devenu le principal leader des Panthères noires, candidat aux élections présidentielles, encore pourchassé et réfugié dit-on à Cuba, Eldridge Cleaver, dans ce recueil d’écrits de prison, révèle sous de multiples aspects le sens du combat de la nouvelle génération noire aux États-Unis, sur les campus et dans les ghettos des villes : non seulement la lutte politique pour la participation au pouvoir mais la recherche d’une identité et de valeurs propres anéanties par des siècles d’esclavage à l’intérieur de la société blanche. Cette société, elle nous est décrite ici à travers l’image qu’elle se fait du Noir et la « consommation objective du Corps noir » qu’elle se réserve : phénomène de la boxe aux USA (de Liston à Cassius Clay) ; utilisation des troupes noires contre un autre peuple de couleur au Vietnam ; complexe des « nègres malgré eux » ; triomphe des danses inspirées par les Noirs… De ces analyses violentes ressort une vision tragicomique de l’Amérique, Babylone morose où ne se font plus guère entendre les trompettes de l’optimisme officiel mais où s’élèvent, de plus en plus écoutées chez les jeunes Blancs et Noirs, des voix comme celle de Cleaver : écrivain révolutionnaire au même titre que Franz Fanon, continuateur de Malcolm X, mais aussi, pour Norman Mailer, « l’un des plus importants auteurs d’Amérique ».