« C’était mieux avant. » Qui n’a prononcé ces mots, avec naïveté, nostalgie, sans la moindre haine, et n’a pensé que, oui, tout ce que nous aimions a trop vite disparu et qu’avant, – avant – les mœurs n’étaient pas si brutales, les voitures pas si laides, les idéaux pas si infantiles ? Bref, en ce temps-là la vie était plus belle et le soleil plus chaud qu'aujourd'hui. « Avant » serait toujours connoté par un peu d’origine et sa valeur supposée. La valorisation s'accompagne d'une dévalorisation qui reste non dite, et qui est violente. Ainsi va la haine du changement personnel et social. Or si « avant » traîne après lui un imaginaire fragment d’origine, n’est-ce pas en équilibre avec ce que Freud appelle l’attente croyante, active en chacun ? Mais n’y a-t-il pas, malgré tout, du vrai dans l’idée d’un temps antérieur qui était, certes, un semi-équilibre, mais que l’on n’a pas su maintenir, une sorte de « c’était moins mal » ? Du vrai dans l’idée d’un regret qui laisserait entendre que le passé est mobile ? Ne pas avoir de regrets serait une illustration d’une vie sans passé, une vie qui confondrait le passé et l’avant.
Et si avoir des regrets n’était pas, comme on le croit d’abord, regarder vers le passé, mais accueillir le passé dans le présent ?