Emmanuel Macron avait invité les chômeurs à « traverser la rue » pour trouver un travail. Comme si l’individu était un acteur rationnel, calculateur, seul responsable de ses actes et de leurs conséquences. Or, cet individu n’existe pas, personne n’est le coach de soi-même, et la nation n’est pas une « start up », sinon dans un certain discours managérial et comptable qui est au coeur de la rationalité politique d’Emmanuel Macron et qui induit au mirage d’un « nouveau monde ».
Car le sujet-citoyen n’est pas l’individu performant. Il n’est pas un bloc d’intérêts et de concurrence mais celui qui, sachant ce qui le relie aux autres, oeuvre au sein d’institutions justes à rendre possible telle ou telle option. L’autonomie, la responsabilité ou la capacité n’ont de sens que comprises comme porteuses d’une tension entre l’indépendance des individus et leur intégration dans la communauté. Il existe un endettement réciproque entre l’homme et le social. C’est pourquoi, loin d’être anodins, ces propos sur les chômeurs ou le « pognon de dingue » engendrent des lectures simplifiantes et univoques du lien social.
Devant un tel dévoiement, Myriam Revault d’Allonnes reprend à nouveaux frais ces notions fondamentales pour en montrer la profondeur, les paradoxes et la puissance ; une leçon de clarté et de rigueur, alors que, plus que jamais, dans la crise que nous vivons, le besoin d’un monde commun s’impose.
Myriam Revault d’Allonnes est philosophe, professeure émérite des universités à l’École pratique des hautes études et chercheuse associée au cevipof. Elle a publié de nombreux essais au Seuil, et notamment L’Homme compassionnel (2008), Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie (2010) et La Faiblesse du vrai (2018).