« Autour de moi, s'étalait des piles de disques, où s'inscrivaient les fragments de cette matière décomposée, rapetissée et agrandie, désossée, inversée, éclatée, pulvérisée. J'étais comme une enfant qui a vidé le son de son ours, arraché les yeux de sa poupée et démantibulée son train mécanique. Il fallait bien que je m'avoue que je venais d'inventer d'extraordinaires techniques de destruction, mais que tous les essais de synthèse me claquaient dans les doigts. Il y avait d'autre part, à chaque instant de mes démarches, d'impitoyables contradictions qui surgissaient. Les objets sonores proliféraient mais leur multiplication insensée n'apportait aucun enrichissement, du moins au sens où les musiciens l'entendent : l'idée musicale, ou l'ombre de d'idée qui demeurait à travers ses contorsions inchangées, et que de formes biscornues, que de variantes concrètes pour la même idée ! Ces variations elles-mêmes étaient contradictoires, trop musicales et pas assez, trop parce que la banalité de l'écriture initiale persistait, pas assez parce que la plupart de ces objets sonores étaient cruels, offensants pour l'oreille. »