La croyance des voleurs Une histoire de voleurs : la réalité a peut-être été cambriolée, les noms de lieux travestis, crainte des gendarmes, terre, lune, soleil, étoile devenus des simulacres. Dieu le receleur ? Au bord d’un fleuve – sa faux liquide tranche l’horizon –, à Saint-Sauveur, faubourg populaire d’un port hanté par la haute mer, Samuel, un enfant de douze ans, se livre à un subtil trafic à l’insu de ses grands-parents, anciens paysans vendéens, concierges dans une cartonnerie. On dit Samuel en retard, cancre à l’école, il serait lent, incapable de comprendre, et pourtant personne ne le rattrape à la course. On le juge débile, innocent, il se sait coupable, de cette culpabilité des origines dont son autre grand-mère « égyptienne » s’enivre chaque jour. Son Égypte à elle n’est pas celle des pyramides, sa patrie s’enfante des hasards hagards du Nil des grands chemins. N’appelait-on pas autrefois égyptiens les bohèmes, les gitans vagabonds capables de harnacher l’air, de jeter une selle sur le dos du vent ? Samuel a un secret, cette fameuse fumeuse croyance des voleurs qui l’aide à surnager gaiement dans le temps démonté. Demi-autobiographie ? Comment démêler le vécu de l’imaginaire ? Le vrai du faux ? Seule la fumée est authentique, s’exhalant de la brûlure du présent qui marque notre héros au fer rouge : « Chez nous on a une table, quatre chaises, plus l’éternité », première phrase.
Michel Chaillou