Nous avons rencontré Hervé à la brasserie Wepler, place Clichy. Nous étions assis côte à côte sur la banquette, Marie et moi, et nous l'avons aperçu dans les miroirs : un loubard costaud qui dévorait des huîtres. Il a vu que nous le regardions à travers les glaces. Nous nous sommes envoyés des sourires réfléchis.
Il faudra conserver ce jeu de glaces qui découpaient nos personnages comme des puzzles.
Il est venu à notre table. Il nous a offert de l'alcool de poire. Pendant une demi-heure nous nous sommes beaucoup aimés à trois, l'alcool aidant. Puis Hervé a changé de ton. Il avait fait des attaques à main armée. Il était à bout (il disait «à boute»). «Vous êtes mes amis, mes seuls amis, accompagnez-moi chez les flics, je vais me rendre.»
Marie et moi avons eu le même réflexe : on ne laisse pas quelqu'un d'aussi attachant se perdre en prison. Nous l'avons emmené à la maison.
C'est ainsi que ça a commencé.
Je suppose que Marie, dès cette première scène, avait pressenti la partie dans laquelle notre trio était lancé.