Beau regard est le récit détaillé d'un dîner où l'on ne mange que des homards.
Spectres de chair et d'os, aux gestes mécaniques, ces gens en tenue de soirée sont dépecés de sang-froid par un hôte imprévu qui, tel un mauvais ange, s'évertue à donner corps à ses fantasmes. De menus incidents, des détails infimes et la plus fugitive image prennent une importance disproportionnée aux yeux de cet observateur distant et muet (le narrateur du livre) qui se livre à un acte de véritable chirurgie visuelle.
Le rapport extravagant d'un homme à son poids, le soin maladif qu'il apporte à l'entretien de sa pelouse, l'obsédante précision des doigts décortiquant les crustacés constituent les ingrédients premiers de cette sonate acide, aux tonalités singulières.
Passant progressivement de la description objective à la vision introspective, cet acte de dissection par le regard mue la table en salle d'opération et le rituel convivial du repas en une radiographie sans appel des comportements humains.
Projection rêvée d'une situation banale, ce récit virulent célèbre l'absolue primauté de la vue. Mené avec une rigueur sourcilleuse, il se déroule en continu, d'une seule respiration, comme la rotation de la terre ou la circulation du sang.