« Elle descendit plusieurs fois à sa plage, par des sentiers détournés. C'est là que le lieutenant Mario vint la rejoindre, une fin d'après-midi au coucher du soleil. Il s'accroupit à son côté, le regard fixé comme elle sur la mer et l'horizon borné par les îles.»
Alors il se mit à parler. Il dit que c'était terminé, que Virgile allait revenir. Mais qu'Alice, Barbara et leurs parents avaient été retrouvés par les Français au moment où ils essayaient de passer en Italie. Elle ne les reverrait probablement jamais. Mais elle devait absolument se souvenir de leur nom. Il le répéta plusieurs fois et l'écrivit sur une feuille arrachée de son carnet. Il fallait, dit-il encore, il fallait qu'il y ait au moins une personne qui se souvienne d'elles.
Il fallait absolument qu'elle, Lise, se souvienne toujours d'elles. A ce moment-là, il passa comme autrefois sa main dans les cheveux de Lise. Il dit qu'ils avaient beaucoup repoussé depuis le jour de son arrivée, qu'elle était décidément déjà une jeune fille, et elle ne sentit aucune ironie dans sa voix.
« Puis il dit qu'il allait partir, lui aussi. Dans le froid ? demanda Lise. Il répondit que oui, dans le froid. Il parla encore longtemps. Il ne la regardait pas. Il fixait toujours la ligne des îles, à l'horizon. Lise aussi. Mais la nuit tombait, et sa vue se brouillait.»