Cinq ans après l’effondrement du communisme, un étrange désarroi hante la modernité démocratique. Triomphante dans les faits, celle-ci dissimule, sous l’intrépidité conquérante du mondialisme, un sentiment de vide, d’épuisement, de doute. L’universalité des lumières, dont nous pensons être les dépositaires, n’exerce plus le même pouvoir d’attraction. Ni au-dedans ni au-dehors. Partout se manifestent des refus, des révoltes, des rejets qu’on ne saurait mettre exclusivement sur le compte de l’obscurantisme ou du fanatisme. Tout se passe comme si quelque chose ne « fonctionnait » plus dans le modèle que nous incarnons. L’héritage des lumières serait-il obsolète ? Critiquable ?
Ce livre voudrait montrer qu’il n’en est rien. Si la modernité est récusée, si elle est vécue comme une souffrance, ce n’est point rare qu’elle incarne les Lumières mais parce qu’elle les trahit. Les valeurs dites « occidentales » sont moins en cause que l’inconséquence avec laquelle, sans cesse, nous nous en éloignons. Une infidélité rarement avouée mais qui court, comme un fil rouge, derrière les grands débats contemporains. Des révisionnismes sournois aux tyrannies de l’argent, de l’humanitarisme dévoyé au conformisme médiatique, du scientisme arrogant à l’individualisme devenu fou : cette trahison des Lumières n’est pas seulement une faute. C’est une imprudence.