L'Orgue de barbarie, 19 mars 1962. Quelques heures avant le cessez-le-feu qui met fin à la guerre d'Algérie, un peloton du 5e escadron du 27e régiment de dragons tombe dans une embuscade.
«Entre deux nouvelles rafales, il entendit la radio grésiller dans le vide. Il se dit On est perdus ! comment j'ai pu en arriver là ? Il revit - par éclairs - le chemin de l'oued, l'escarmouche vers neuf heures, le trajet en Dodge au très petit matin, la veille, l'avant-veille, l'hiver, Noël, l'automne, s'appliquant à remonter le temps dans l'ordre, alors même qu'il n'y a pas vraiment d'ordre et que la mémoire peut aller et venir à sa guise dans cet immense réservoir, remontant ainsi jusqu'à son départ pour l'Algérie et continuant d'annexer à son voyage des souvenirs plus anciens, effaré à la fois par la densité et l'inconsistance de sa vie, essayant sans succès de repartir dans l'autre sens, comme s'il lui semblait que sa vie avait basculé, franchi un ressaut, deux ressauts, les rapides du fleuve Temps, qu'il arrivait au bord des chutes.»
Dans ce roman où les combats sont brefs et la mémoire longue, Bernard Chambaz met en scène, avec une justesse admirable, le moment de vérité qui, lorsqu'il survient, place chaque homme face à son destin.