Depuis la parution en 1982 d’ En attendant les barbares, puis de Michael K, sa vie, son temps, salués comme de véritables événements littéraires, John Michael Coetzee a toujours montré une réticence à sortir de l’ombre.
Pour la première fois le romancier revisite l’Afrique du Sud d’il y a cinquante ans, à la recherche de la fraîcheur, de la spontanéité, mais aussi de la fausse naïveté du garçon qu’il a été.
L’évocation autobiographique plonge dans les hantises et les secrets d’un enfant – brillant et docile à l’école, despote et irascible à la maison – qui se cherche, entre un père qu’il méprise et une mère dont il craint sans cesse de perdre l’amour ; entre deux cultures et deux langues dont les sons rauques et obscurs lui font pressentir un monde troublant.
Dans cette période de la vie qu’il faut « endurer en grinçant les dents », avec ses embellies à vélo ou à la chasse dans le Karoo désertique, où l’eau de la gourde pendue au bougainvillée reste fraîche, l’enfant découvre l’autre – Afrikaner, Anglais, métis, noir, juif – et son corollaire de préjugés et d’injustices, perçoit le mystère du sadisme et du désir. Déjà il sait : « ce qu’il écrirait, ce serait quelque chose de plus sombre, quelque chose qui, une fois que cela commencerait à couler de sa plume, se répandrait sur la page sans qu’on puisse l’arrêter, comme de l’encre renversée. Comme de l’encre renversée, comme des ombres qui courent à la surface de l’eau qui dort, come des éclairs qui crépitent et qui zèbrent le ciel. »
Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Catherine Glenn-Lauga