Cette chose si délicatement ordinaire et cruelle qu'est l'expérience de la mort, comment la dire, comment l'écrire ? Comment lui trouver un traitement approprié quand aucun traitement, précisément, n'a pu s'appliquer ni à mon père, ni à ma sœur, morts tous les deux à quelques semaines d'intervalle, de mort lente ? Comment collecter sans vomir cette langue noire de la mémoire, ce mal ?
J'ai pensé à Bohumil Hrabal juché sur son toit en pente au soleil de Prague, assis sur sa chaise aux pieds sciés, il écrit en équilibre instable, et soudain cet hiver il est mort, il est tombé du toit. Et ça m'a fait peur, car tout ce que je croyais impossible perdu enfoui, gravement détérioré vraiment incinéré massacré s'est mis à crier, crier.
Comment se remettre d'aplomb chaque matin, comment tuer la peur ?
Comment tuer la peur, je me le demande.
A.-M. G.