"Il faut un commencement à tout", dit la sagesse populaire, et elle ne doute pas que les commencements existent et qu’on peut les appréhender sans peine. Pierre Gibert impose ici une évidence exactement contraire : les commencements échappent à la conscience comme à la reconstitution. Que ce soit en psychanalyse, en histoire, en physique, en littérature, en religion…, toujours les commencements sont racontés, décrits, déclarés et interprétés après coup. Et puisqu’il faut bien parler des débuts, les hommes ont inventé des moyens littéraires : « Il était une fois… », « En ce temps-là... », « Au commencement... » et bien d’autres « ouvertures » ; mais surtout ils ont créé des mythes et des récits « de commencement », dont les premiers chapitres de la Bible sont, dans la culture occidentale, le texte emblématique. Ce ne sont pas des récits neutres : leur fonction idéologique, doctrinale, philosophique, biographique et autobiographique est immense. En tout cas, après ce livre, on ne pourra plus dire comme Racine dans Les Plaideurs : « Ce que je sais le mieux, c’est mon commencement » !
Pierre Gibert, exégète biblique, est l’auteur au Seuil de Bible, Mythes et Récits de commencement (1986), un livre réimprimé puis épuisé.