"En dépit des efforts que nous faisions pour marcher droit, chaque pas nous soulevait du sol, nous projetant l'un contre l'autre, et les chevaux ailés du pont et les réverbères à trois branches, la coupole transparente du Grand Palais et les grands troncs des marronniers avec leur haut feuillage sombre, toutes ces formes s'élançaient dans le ciel pâle, étirées, dansantes, allègres comme notre démarche, tandis que nous croisaient des passants sans épaisseur ni consistance, simples figurants dans notre rêve éveillé. La vie. Être présent à la vie, intensément. Notre amour nous la révélait. Peut-être sa splendeur se tient-elle "prête à côté de chaque être", comme Kafka l'avait écrit dans son Journal, mais - j'avais lu ces lignes avec nostalgie - "voilée, enfouie dans les profondeurs, invisible, lointaine". Je pensais ce jour-là que l'amour est bien cette magie qui nous dévoile l'autre monde - le monde d'au-delà du monde, celui qui en permanence se tient prêt à nos côtés, mais que d'ordinaire nous ne savons pas voir."
Lorsque Camille rencontra Julien, elle pensait que rien ne la prédisposait à la passion. C'est pourtant une véritable cérémonie qui se célèbre dans la chambre blanche où les amants se retrouvent. Désirant la possession et s'en défiant tous deux, ils deviennent les acteurs d'un théâtre dont ils croyaient ne devoir être que les témoins. La narratrice, à laquelle, Camille confie son secret et son manuscrit, réfléchit sur l'absolu et le lyrisme de toute passion et l'écueil de la réalité.