Si le lecteur se pose la question «Est-il je ?», c'est que le
romancier la lui souffle en combinant délibérément deux
registres incompatibles : la fiction et l'autobiographie. Il
donne au héros des traits d'identité qui lui appartiennent en
propre. Il sème le paratexte d'indices contradictoires. Il cultive
l'ambivalence des citations, des commentaires et des mises
en abyme. Il raconte des souvenirs improbables, tantôt à la
première, tantôt à la troisième personne. Il se représente en
enfant, en adolescent, en écrivain, en voyageur, en amant, en
dépression, au tribunal, au confessionnal ou sur le divan...
sans jamais dire qui il est.
Cette stratégie de l'ambiguïté est constitutive d'un genre littéraire
mal connu qui fut d'abord nommé roman personnel,
puis roman autobiographique, avant d'être rebaptisé récemment,
et hâtivement, autofiction. On tente ici non seulement
d'inventorier les procédés qu'il met en oeuvre mais aussi de
retracer son histoire, d'expliquer son infortune critique et de
comprendre comment il fonctionne. Avec la conviction qu'il
détient une part de notre avenir littéraire.