Élie : «... Au fond, un homme c'est comme un animal, tu le tranches
sur la tête ou sur le cou, il s'abat de soi. Dans les premiers jours, celui
qui avait abattu des poulets, et surtout des chèvres, se trouvait avantagé
; ça se comprend. Par la suite, tout le monde s'est accoutumé à cette
nouvelle activité et a rattrapé son retard... Le boulot nous tirait les
bras...
... Personne ne peut avouer l'entière vérité. Sauf à se damner aux yeux
des autres. Et ça, c'est trop grave. Mais un petit nombre commencent à
raconter des bouts terribles. C'est grand-chose... Les fauteurs savent
plus que des souvenirs et des précisions élémentaires, ils ont des secrets
dans l'âme...»
Il a toujours semblé que les tueurs d'un génocide, trop dépassés par
l'énormité de leurs actes, ne pouvaient que mentir ou se taire. Dans
un pénitencier près de Nyamata, une bourgade rwandaise, l'auteur
a rencontré un groupe de tueurs. Des copains, sans contact avec le
monde extérieur et déjà condamnés. Au fil de mois de discussions,
ils ont montré l'envie de raconter ce «brouhaha» de l'extermination,
de dire précisément l'indicible. Pour renouer avec nous ? Renouer
avec les braves cultivateurs ou instituteurs qu'ils avaient été ? Au
plus près du mal absolu, le génocide, qu'il soit juif, gitan ou tutsi,
leurs récits et les réflexions de l'auteur apportent autant de questions
que de réponses.