«Les générations se succèdent : les pauvres «maîtres et étudiants ès arts
de l'université de Paris», jadis accablés par Tempier et sa commission
de seize théologiens, ont cédé la place aux enfants de Billy Graham et
de Mecca-Cola. C'est contre la laïcité qu'à présent l'on proteste. À
l'affrontement gigantomachique de foi et raison rêvé par le «pape du
troisième millénaire» a succédé le choc des communautarismes.
Chacun connaît l'absurde formule attribuée à Malraux : «Le XXIe
siècle sera religieux ou ne sera pas.» Il est bien plus à craindre qu'il
n'aille pas à son terme ou, plutôt, qu'il marche, somnambule, vers une
censure pire que toutes celles qu'a connues le Moyen Âge, si, recyclée
par la fièvre de réenchantement du monde, qui partout s'attaque à la
courte parenthèse qu'aura été son supposé désenchantement,
l'Université échoue à laisser à sa porte les tensions communautaires, les
identités contraintes et les délices de l'anathème. Il est encore temps.»