La mondialisation. Elle a aujourd'hui ses théoriciens - économistes,
sociologues, politologues, philosophes -, ses supporters et ses
détracteurs - éclairés et myopes, radicaux et tempérés -, ses profiteurs
et ses victimes - au Sud comme au Nord. Elle a aussi désormais son
romancier. Comme on le verra très vite, l'auteur ne garde pas ses
convictions dans sa poche, mais il refuse tout manichéisme. Son
engagement pour la justice n'a d'égal que le souci de faire «sentir»
au lecteur ce qu'est la mondialisation concrètement vécue aussi bien
par les victimes que par les décideurs des multinationales et les militants
de l'antimondialisation. C'est en Inde, à Bombay, qu'a lieu la
rencontre improbable de ces divers acteurs, et d'autres encore : petites
mendiantes, truands sans pitié, religieux de toutes appartenances,
sans oublier la princesse et le prophète. Dans ce roman aux nombreux
rebondissements, la pauvreté, la violence et le sordide côtoient le luxe,
l'immoralité ou l'inconscience des nantis, mais aussi la sincérité, le
courage et l'engagement de quelques-uns, en particulier de Joseph
Jesudasan, qui risque sa vie dans ce combat. L'issue, on le verra, est à
la fois tragique et ouverte sur l'avenir, S. Keshavjee se refusant à enfermer
le présent dans les impasses du moment. Mais comme pour le
dialogue des religions dans Le Roi, le Sage et le Bouffon, il peint avec
talent et profondeur le tableau contrasté de la mondialisation.