Dès juin 1932, au café Mampe à Berlin, Joseph Roth
déclare à un ami : «Il est temps de partir. Ils brûleront
nos livres et c'est nous qui serons visés. Quiconque
répond au nom de Wassermann, Döblin ou Roth ne doit
plus tarder. Il nous faut partir afin que seuls nos livres
soient la proie des flammes.»
Le 30 janvier 1933, jour où Hitler est nommé chancelier
du Reich, Roth s'exile définitivement à Paris. Les six
années qui lui restent à vivre seront particulièrement
fécondes, tant dans le domaine romanesque que
journalistique.
La Filiale de l'enfer réunit vingt-six écrits parus entre
juillet 1933 et mai 1939 dans les journaux destinés
aux émigrants germanophones vivant en France.
Depuis son exil parisien, Joseph Roth observe avec une
rage impuissante le rattachement de son ancienne patrie
autrichienne au Troisième Reich et tente de combattre
l'indifférence, qu'il considère comme le pire des maux.
Avec une acuité impitoyable et une rare clairvoyance,
sous-tendues par une verve brillante, à la fois
mélancolique et drôle, il dénonce les effets pervers
du national-socialisme et les grossiers mensonges de
sa propagande. C'est «l'instauration de la barbarie
et le règne de l'enfer». Seul le Verbe vrai pourra
sauver l'époque en tenant lieu de patrie à ceux qui
n'en ont plus.