Une langue fantôme
Deux syllabes suffisent - même une - et la prononciation d'un seul mot pour révéler, derrière la langue parlée, la présence d'une autre langue. Cela s'appelle un accent.
Depuis mes premiers souvenirs de la voix de mon père s'exprimant en français dans le cercle familial - plus précisément encore lorsqu'il s'adressait à moi -, et jusqu'à ses dernières paroles, j'ai entendu dans chaque syllabe qu'il prononçait la mémoire, l'empreinte, le fantôme, non seulement d'une autre langue que le français, mais aussi d'un autre monde et d'un autre temps. Si j'ai commencé ce livre en écrivant que deux syllabes suffisent, c'est en pensant à la façon dont mon père, répondant au téléphone en français, prononçait le simple mot « Allô ».