Avec sa femme Éva, le narrateur de ce roman d’amour fou croyait faire un couple indissoluble. Un jour elle le quitte. Il sait seulement qu’elle s’est jointe à un capitaine de marine. Au lieu de noyer son chagrin dans l’alcool, il trouve un consolant paradis artificiel dans la relecture de Madame Bovary.
Relisant le chef-d’œuvre de Flaubert, dont il consulte simultanément les prodigieux avant-textes, cet homme revoit le film de son histoire avec Éva. Composée de souvenirs ardents, de fantasmes, de références et de regrets, poinçonnée aussi par l’aveu d’un parti pris qui pourrait avoir causé le départ d’Éva, sa remémoration se nourrit et s’enivre d’une célébration enflammée de la « petite femme » de Flaubert. Avocat commis d’office, il est comme épris de sa cliente, dont il blasonne le corps tout entier et ausculte l’âme énigmatique.
Ce Mémoire d’un fou d’Emma confirme l’idée – chère à Thomas Mann – que souvent la vie des hommes, simples ou illustres, est régie par l’imitation et « s’exprime en citations ». Mais il est essentiellement un acte d’amitié pour les bons livres, pour le cinéma, et pour l’idée que l’amour, s’il s’inscrit en lettres de noblesse, ne s’oblitère pas, même quand sa page est tournée.