Face aux désordres du monde, les sentiments moraux sont devenus un ressort essentiel des politiques, internationales aussi bien que locales. Qu’il s’agisse de conduire des actions en faveur des pauvres ou des réfugiés, d’aider des victimes de catastrophes ou de justifier des interventions militaires, un gouvernement humanitaire, mêlant solidarité et compassion, se déploie partout au secours des démunis et des dominés. C’est à l’analyse de cette nouvelle économie morale que Didier Fassin, anthropologue et médecin, consacre ce livre.
Sur des terrains proches ou lointains, il explore des scènes où la morale humanitaire se trouve soumise à l’épreuve de l’inégalité et de la violence, et rend compte des tensions et des contradictions qui traversent la politique humanitaire. Analysant en France l’ouverture de lieux d’écoute dans les banlieues, la distribution d’aides d’urgence aux chômeurs, la régularisation des étrangers en situation irrégulière et le traitement des demandes d’asile, mais étudiant aussi les représentations de l’enfance au temps du sida en Afrique du Sud, les témoignages sur les traumatismes dans les Territoires palestiniens, les opérations de sauvetage de sinistrés au Venezuela et les choix difficiles de l’aide internationale lors de l’invasion de l’Irak, Didier Fassin livre les fragments d’une histoire au présent de la manière dont les sociétés contemporaines font face à l’intolérable.
Proposant une critique de la raison humanitaire à la fois respectueuse de l’engagement des acteurs et lucide sur les enjeux qui les dépassent, il jette ainsi les bases d’une anthropologie politique et morale.
Didier Fassin est professeur à l’Institute for Advanced Study (Princeton) et à l’École des hautes études en sciences sociales (Paris). Il dirige l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux.
« Hautes Études » est une collection des Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, des Éditions Gallimard et des Éditions du Seuil.