En France, la Révolution a voulu instaurer un corps politique formé de citoyens égaux, avec le risque, qu’on lui a assez reproché, d’inventer une abstraction. En effet, dans les relations quotidiennes, la vie de travail, les rapports de voisinage, le corps social est marqué par une attention aiguë à ce que chacun « est », et en particulier à ses origines. La France où les immigrés et leurs descendants ont à trouver leur place n’a donc pas l’unité et la beauté d’une épure. Leur insertion dans la société où ils arrivent est régie par d’autres lois que leur intégration au corps politique. L’abandon de l’ancien idéal d’« assimilation », les exigences nouvelles des employeurs en matière de « comportement », l’image que les Français se font de l’islam ont ouvert une faille entre deux formes d’appartenance. Une société résolument multiculturelle serait-elle la solution ? Ou relève-t-elle d’une utopie qui ne veut pas voir les contingences de ce bas monde ? Réflexion faite, après avoir entendu tous les arguments, Philippe d’Iribarne estime que l’idéal républicain reste le fondement nécessaire d’un monde où ceux qui sont venus de loin seront réellement reconnus comme des semblables.
Philippe d’Iribarne, directeur de recherches au CNRS, est l’auteur notamment de La Logique de l’honneur (Seuil, 1989), Cultures et Mondialisation (en collaboration, Seuil, 1998), L’Étrangeté française (Seuil, 2006), Penser la diversité du monde (Seuil, 2008) et L’Épreuve des différences (Seuil, 2009).