Opus Dei, l’« œuvre de Dieu » est l’expression qui désigne tout au long de l’histoire de l’Église catholique la liturgie, c’est-à-dire l’office du prêtre à qui incombe le « ministère du mystère ». Cette œuvre n’est-elle pas, en apparence, ce qu’il y a de plus séparé des pratiques qui régissent la vie des individus et des sociétés modernes ?
C’est cette séparation que l’enquête archéologique de Giorgio Agamben se propose de démasquer, en dévoilant les filiations inattendues et les liens cachés qui l’unissent à la modernité.
Comprendre le mystère de l’office signifie alors saisir l’influence considérable que cette pratique a exercée sur la manière dont notre culture a conçu son éthique comme sa politique, son économie comme son ontologie. Car le mystère de l’office n’est autre que le mystère de l’efficacité, à l’intérieur duquel ce que l’homme est se résume dans ce qu’il a à faire et où tout acte est un acte d’office. Du fonctionnaire au militant politique, de l’officier au professionnel, le paradigme de l’office n’a cessé de modeler la praxis des hommes : plus efficace que la loi, parce qu’il ne peut être transgressé ; plus réel que l’être, parce qu’il ne consiste que dans l’opération par laquelle il se fait réalité ; plus absolu que toute action humaine, parce qu’il agit indépendamment des qualités du sujet qui l’exerce.
Giorgio Agamben est philosophe. Son œuvre est mondialement connue. Parmi ses livres les plus récents, indiquons : Nudités (Rivages, 2009) et De la très haute pauvreté (Rivages, 2011). Opus Dei s’inscrit dans le projet Homo Sacer dont plusieurs volumes ont été publiés aux Éditions du Seuil : Homo Sacer, I, Le pouvoir souverain et la vie nue (1997), État d’exception, Homo Sacer II, 1, (2003), Le Règne et la Gloire, Homo Sacer, II, 2 (2008).