La route est en chantier. Celle que j'emprunte chaque jour, que je connais par cœur. Ma route, et si peu la mienne. La seule route pendant longtemps qui relie Nice à Turin, la seule route pendant longtemps. La route du sel, la route de ceux qui marchent, chevauchent, roulent sur elle depuis des siècles, la route des contrebandiers, la route d'un haut fait divers, la route des morts, accidents et drames des deux guerres mondiales, la route de ceux qui l'ont construite, ouverte, et l'ouvrent une fois de plus aujourd'hui. Là, tout à côté, les ouvriers aménagent un rond-point, mettent à découvert cent cinquante mètres de chaussée, pénètrent le mille-feuilles de la route, sa légende, son ferment, l'amplitude inconnue, extraordinaire, de ce qui est si proche.
Maryline Desbiolles