L’enfer, tout passager d’un train de banlieue sait à quoi il pourrait ressembler : un wagon bondé, abandonné quelque part sur le réseau, après avoir vogué d’incident en incident. Coincés dans un tunnel du RER A, la ligne la plus chargée d’Europe, les deux mille voyageurs entassés n’ont tout d’abord pas voulu y croire. Ça ne durerait qu’une heure, qu’une matinée tout au plus. Mais c’est en vain que les batteries des portables se sont déchargées, que les larmes ont coulé et que les signaux d’alarme ont été tirés. Les semaines, les mois passent, les années peut-être.
Dans ce huis clos sous néons aveuglants, Anna, jolie mère célibataire, Vincent, cadre supérieur raffiné qui espérait s’envoler pour Buenos Aires, et Kevin, entreprenant chômeur en fin de droits, se demandent comme tous les autres s’ils sont les derniers des oubliés, les uniques survivants d’une catastrophe ou les participants d’un stage de réinsertion, et ce qu’ils ont fait pour mériter cela.
Qu’être, que faire dans cette foule définitive où l’espoir, l’ambition et le sexe renaissent sous des formes perverses et délirantes? Aux commandes de ce roman à trois voix, conte cruel de la surpopulation, de la promiscuité et de l’emploi que les hommes font les uns des autres, le lecteur savourera enfin tout le temps perdu dans les transports en commun.
Dalibor Frioux a 44 ans. Il est l’auteur d’un premier roman très remarqué, Brut (Seuil, 2011).