« La vision des flammes m’a calmée. Il y avait des gens autour, c’était rassurant. Après, je suis partie vers la place Tahrir où je suis arrivée vers 20 heures. Des gens priaient pour l’âme des martyrs qui venaient de mourir. Il y avait beaucoup de fumée. Des barricades avec des pneus en feu avaient été dressées. Des manifestants erraient dans un état second, certains pleuraient puis se mettaient à rire, d’autres chantaient. On remarquait de grandes flaques de sang par terre, des gens blessés continuaient de se promener le visage ou une partie du corps ensanglantés. On était dans un état de fatigue extrême, mais très heureux et excités. Je marchais, tout semblait de plus en plus irréel et, lentement, je suis arrivée à la frontière du délire. Comme dans un film, rien ne paraissait vrai. Je regardais qui était là, les costumes, les déguisements, quel était le rôle des acteurs, la qualité de leur prestation, où s’étaient cachés mes amis. Beaucoup de gens couraient, tout bougeait, mais aucun ne savait vraiment où il allait. J’ai retrouvé des amis. C’était presque impossible de parler, on était en état de choc, euphoriques, une même sensation d’irréalité nous traversait. »
Tristan Jordis a publié un premier récit remarqué, Crack, en 2008. Le courageux mourra dans la bataille est son second livre. Il nous y fait revivre les événements de la révolution égyptienne qui ont marqué toute une génération.