Médicaments dangereux, essais cliniques biaisés, experts corrompus : l’industrie pharmaceutique est au centre de scandales largement médiatisés. Au fil des procès, on dénonce des conflits d’intérêts et des manquements à l’éthique professionnelle. Mais suffit-il de pointer les failles du système et d’en rester là ? Ne faut-il pas s’interroger également sur son fonctionnement normal pour rendre compte de la récurrence de telles affaires ? C’est la question que pose ce livre, issu d’une enquête de quatre ans, en décrivant la vie d’un médicament ordinaire : un antibiotique apparemment sans histoire, consommé chaque année par des millions de patients.
Dans les bureaux du service marketing et les mallettes des visiteurs médicaux qui s’efforcent d’influencer les prescriptions des médecins, entre les mains des ouvriers et des ingénieurs chimistes, sous l’œil des experts et des lobbyistes aux positions enchevêtrées, ses pérégrinations dans les méandres du troisième groupe pharmaceutique mondial révèlent l’alliage instable de la santé et du profit dans la valeur attribuée à une marchandise médicale.
À travers la biographie d’un médicament, cette enquête montre les mutations d’un capitalisme d’avant-garde qui, en pleine tempête économique et malgré les contestations dont il fait l’objet, maintient des taux de profit exceptionnels : comme les bactéries plongées dans un environnement hostile, il manifeste une étonnante capacité de résistance…
Quentin Ravelli est sociologue, chargé de recherche au CNRS. Des médicaments aux crédits à risque, il s’intéresse à la vie des marchandises pour comprendre l’économie. Écrivain, il est l’auteur sous le nom de Clément Caliari de deux romans, Retrait de marché (prix des Grandes Écoles, prix de l’Académie de pharmacie) et Gibier (Gallimard, 2011 et 2013).