Pourquoi la guerre d’Espagne ne fait-elle que commencer ? Parce qu’on peut enfin comprendre qu’elle fut, comme l’affirma l’écrivain allemand et prix Nobel de littérature, Thomas Mann, « le scandale le plus immonde de l’histoire de l’humanité », un crime contre « les revendications de la conscience » ; Gide et Camus, deux autres Nobel, y voient, eux, « un avilissement sans précédent de l’esprit » ; l’écrivain catholique et royaliste Bernanos y pressent « la disparition de l’homme de bonne volonté ». Le mouvement des Indignés, né à Madrid le 15 mai 2011, a réveillé ces revendications de l’esprit si peu portées par les livres d’histoire. L’ouvrage est un retour sur les lieux du crime. Contre ce peuple espagnol dont Camus devait dire « qu’il détient quelques-uns des secrets royaux que l’Europe cherche désespérément à formuler », tous se liguèrent : l’armée franquiste, soutenue par l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie, les « démocraties d’argent » – Angleterre et France – complices, Staline déployant sa terreur « rouge », tandis que les anarchistes déchaînaient leur terreur « noire » contre l’Église. Et si l’assassinat du poète Federico Garcia Lorca clôt ce récit, c’est qu’il révèle la capacité de la littérature à transcender l’histoire des faits accomplis pour recréer une humanité prête à renaître.
J.-P. B.
Jean-Pierre Barou est l’éditeur, avec Sylvie Crossman, d’ Indignez-vous !, que l’Espagne a traduit en six langues : castillan, basque, catalan, galicien, valenciennois, asturien. Co-auteur, avec S. Crossman, d’ Enquête sur les savoirs indigènes (Folio), et de T ibet, une autre modernité (Points).