Dans son livre monumental de 1979, Arbeit am Mythos – Travail sur le mythe –, Blumenberg effectuait une réhabilitation philosophique du mythe contre toute approche qui le renverrait à un passé archaïque ou à une forme provisoire vouée à être dépassée par la rationalité scientifique. Mais il semblait avoir esquivé le problème de l’usage idéologique du mythe. Préfiguration. Quand le mythe fait l’histoire aborde de front le cas Hitler et la façon dont des « précédents » imaginaires mythifiés – Alexandre le Grand, César, Frédéric II, Napoléon – ont déterminé l’action du dirigeant nazi jusque dans le détail de décisions stratégiques, et précipité sa défaite, à Stalingrad. Au-delà du « mythe nazi », Blumenberg met au jour une logique de la « préfiguration » : dans l’incertitude de l’action historique, le passé, vu comme un réservoir de possibilités que l’on peut répéter, est constitué en mythe.
Né à Lübeck, Hans Blumenberg (1920-1996) a été contraint d’interrompre ses études et de se cacher pour échapper aux persécutions antisémites du IIIe Reich. À partir des années 1960, il publie une série d’ouvrages marquants, consacrés en particulier à l’interprétation de la modernité et à la place du mythe et de la métaphore à l’âge de la science.
Traduit de l’allemand par Jean-Louis Schlegel