Comment rompre le silence traumatique d’une famille lié à la disparition brutale d’un enfant ? C’est la question que se pose Philippe Artières dans Au fond. Un narrateur qui lui ressemble tente de reconstituer les morceaux d’un puzzle épars et se sert de ses propres méthodes d’historien pour y arriver : il étudie le cadre géographique dans lequel évoluait sa famille au moment de la disparition de ce frère (les grandes forêts propriété de la famille depuis des générations) ; il enquête sur les houillères de Lorraine dans les années 1960, où son père, ingénieur, faisait carrière sans cependant devoir aller « au fond » de la mine; surtout, il interroge sa mère sur ce frère aîné si tôt disparu. La douleur enfouie resurgit tout entière dans le récit de cette femme qui parle enfin : les longues journées jamais oubliées de la mort de l’enfant jusqu’à son enterrement, les voisins, la famille, le père anéanti, la petite sœur encore bébé qui oblige par sa présence à ne pas baisser les bras. Un récit qui vient s’entremêler aux voix des mineurs en grève et à celle des hommes de la forêt et qui donne vie à une région marquée au fer rouge par les combats sociaux.